lundi 21 mars 2016

Papy Delpont est parti...

Juste avant le printemps, Jean, distillateur à Montech est parti. Il s'est évanoui avant l'éclosion des premiers fruits, des premières framboises.

Coquin comme tu pouvais l'être, tu as oublié de nous livrer ton Patrimoine avec un grand P, mais bon on s'en doutait, on le savait. Des regrets? oui, mais c'est ton histoire. aurais-tu plus livrer ton savoir? Je ne sais pas, ta rencontre suffisait pour que l’amour du produit et des hommes se ressentent.Tu étais, tu es un grand monsieur, c'est tout. Bravo pour ta vie et tes expériences. Oh,mille excuses, je te tutoie, mais je ne sais pas faire autrement.

L'important, ce sont les échanges, d'ailleurs ce n'est pas Jean, c'était Papy Delpont! C'est Papy Delpont!!
L'inspiration est absente pour écrire...à l'inverse de l'émotion oppressante. Quand même au delà de la beauté gustative d'une framboise, que dire de ces moments? Lorsqu'on déguste chez toi sur le comptoir blanc en formica pendant que, au dessus de nos têtes, les ouvriers refont le toit. Que dire lorsque je pose la question, "On peut aller voir les cuves en grès au fond?" "Mais oui bien sûr!"
Et puis cette phrase: "Ils veulent boire un verre? vous voulez goûtez quelque chose?" "Jean, voyons tu crois qu'on est là pour planter des choux?" Mais au-delà du verre qu'on sirote, des saveurs, c'est l'échange, le partage qui compte.

Et puis, le 22 décembre 2015, avec des photos de Pierre Assemat, on vient faire un coucou. C'est l'hiver, déjà tu nous chagrines car tu reviens de ce corps médical qui nous inquiète. Ton équipe féminine nous accueille: "Il arrive". Fidèle, tu te colles derrière le comptoir, nous sert un verre et nous dit: "Excusez moi, je m'assois..." mais, franchement, pourquoi s'excusez!

Ensuite, on se pose au bureau avec la lampe des années 80 qui nous éclaire tendrement, bavardage autour de ton vécu, de tes repreneurs, on te propose de mettre des légendes sur tes photos... pas sûr qu'on obtienne gain de cause, émotions et charme sont là... difficile d'en dire plus, mais là je ne sais pas faire mieux. Tu nous distilles beaucoup trop de plaisirs pour pouvoir l'écrire.

 Les autres rencontres? je les garde pour moi si tu permets.

Après Philippe Voluer, en octobre 2013, c'est Jean Delpont, en mars 2016, qui s'éclipse....compliqué dans cet univers souvent inhumain, nos racines ne seraient-elles pas en train de s'évaporer ou de partir en bulles? Bon, allez on y croit, portons les valeurs de ces humanistes et buvons un coup!

Bises & tendresse à la famille Delpont. Continuons à transmettre les valeurs de Jean.


Stéphane, brasseur et amoureux des belles distillations mais avant tout des hommes qui les font !


Un lien vers les résultats obtenu par Jean:

http://distillerie.delpont.free.fr/concours.htm

vendredi 11 mars 2016

Déguster une bière


Le renouveau de la bière artisanale a ouvert les yeux et donc les papilles des consommateurs. La bière, boisson populaire par essence, a retrouvé ses lettres de noblesse. Malheureusement, dans cette société où le maître-mot, c'est obtenir la reconnaissance, le côté populaire de la bière est devenu snob. Il m'arrive donc de lire sur les réseaux sociaux ou sur d'autres interfaces informatiques des analyses brassicoles prétentieuses voir même irrespectueuses des brasseurs. La simplicité semble s'évader de ce nouvel univers brassicole.

Face à cette réflexion purement personnelle, je vous invite donc à lire ci-dessous ce mini-texte, écrit en octobre 2006, qui semblait sentir venir ce vent geek/snob.

Au plaisir de lire votre propre ressenti et d'échanger...

En attendant, n'hésitez pas à soutenir notre campagne de financement participatif qui se termine le 27 mars.... 




Bises

"Déguster une bière…c’est quoi ?

Provenant du latin gustare, déguster signifie donc goûter une boisson, un mets. Au sens figuratif, c’est déjà mieux, déguster est utilisé dans le sens d’apprécier, savourer.
            Le sens donné au mot déguster est donc très important. Or de nos jours, une dégustation devient parfois trop formelle, réservé à une certaine classe d’initiés. C’est ainsi qu‘on se retrouve souvent dans une dégustation où le dégustateur part dans des considérations techniques que peu de personnes peuvent suivre. Très vite, le dégustateur ne s’adresse qu’aux initiés, le reste du public s’ennuyant en écoutant un pseudo dégustateur qui aura le talent de confondre odeurs et saveurs.
            Or si lors d’une dégustation, les notions techniques sont importantes pour comprendre l’origine des saveurs et le lien avec la terre, c’est avant tout un acte d’amour avec la bière et un moment de convivialité que l’on partage avec d’autres.
            Déguster c’est d’abord exprimer ses propres sentiments, sa philosophie de la bière. Sentiments d’amour et de partage, vous pouvez aller à la rencontre de la terre qui a donné vie a ce breuvage magique. Votre rôle consiste donc à prendre la main des autres convives et de les amener vers ce paradis des saveurs que vous offre la mousse.

                                                                                                                                 Stouf…"

Le Chapitre, Namur en 2010...

La bière, c'est un arc en ciel d'émotions... Après 20 ans de balades brassicoles, j'ai donc décidéde vous livrer sur ce blog  au fil des jours les textes écrits au fil des mousses...

Bonne lecture...

Le Chapître…
Près d’une cathédrale…
Une pointe d’humidité traîne en cette soirée, l’hiver est là et s’impose à vous. Peu de choix s’offrent à vous, le sol est mouillé, quelques résidus de neige rappellent la dureté des jours précédents. Il est donc temps de s’évanouir dans un lieu apaisé …et d’y trouver refuge.

Une porte vitrée qui laisse s’enfuir une lueur de lumière oriente nos pas. Sereinement on ouvre cette porte habillée d’une belle peinture fanée. Alors qu’un halo de lumière s’enfuit, trois guitares entrelacées autour d’une table ronde dans un jeu musical nous accueillent. Des notes tziganes chaleureuses titillent nos oreilles. Les premières émotions naissent…

Mais que se passe –t-il ? Quel est cet apaisement qui nous envahis ? Qui est-il ? D’où vient-il ?
Spontanément, on hoche légèrement la tête vers les musiciens. En confiance, on adresse un bonjour, la réponse est musicale…
Notre intuition brassicole nous amène vers le fond de la salle. Sans hésitation on s’offre une petite table carrée accompagnée par une lampe de chevet. Des questions naissent : Rimbaud et Verlaine ne serait-il pas venus ici ? Brel, Brassens, Ferré ? Ferrat ? Chacun aurait trouvé sa place pour écrire, abuser de quelques bonnes mousses, c’est sûr !....un  lieu pour les grandes âmes. Excès et sagesse sont là dans les briques, les objets, l’air ambiant…
Les saveurs feutrées du lieu s’impose à nous, on se surprend à regarder le lieu sans qu’aucune bière ne soit venue encore nous tenir compagnie, c’est dire si nous découvrons un lieu de poésie et d’âmes. Poésie de Richard Bohringer ? Âme écorchée de Gainsbourg ? ...ils sont tous là !
L’extérieur n’existe plus, nous savons que nous allons rester plus longtemps que prévu car nous n’avons pas le droit de bafouer cet instant…nos bonnes intentions initiales « un pot et on rentre… » s’évanouissent… miam, miam que ces moments qui changent d’envie sont bons, jouissifs… 
Peu à peu, nous prenons place, il est temps de déguster notre nectar. Une belle carte de 60 bières s’offre à nous agrémenté de cinq bières en fûts. Mais le choix importe peu, la bière nous a déjà offert  les saveurs de la convivialité…
Au fil des saveurs houblonnées, quelques en-cas apéritifs se dévoilent….soupe de courgette à la bière Gotika, crêpe de potimarron au fromage de chèvre accompagnée de son lit de caramel de bière, foie gras mariné au vin blanc enveloppé de pains d’épices…
Au final, quatre heures dégustées dans un lieu qui survit dans notre planète boursière, trois bières savourées…triple de la corne du bois des pendus, Rochefort 8, et enfin une gueuze Boon,  deux potes paisibles ressentant la même émotion, jouissance….mais que demande le peuple, macarel ?
Décrire le lieu ? Pourquoi pas, mais l’émotion est-ce possible ? J’en doute…
L’adresse ? …cherchez et démerdez-vous ! Le plaisir n’en sera que plus intense…
1995 : Le Flippero : bières, cheminée et châtaignes, Arno et sa guitare sur un canapé vieillot….
1996 : Voyage en R5 en passant par Auxerre de nuit, arrivée à Wesvleteren, époque tranquille, une Wesvleteren 12 face à soi, unique, des flaveurs de céréales qui traversent les champs de houblons….
2003 : Autour d’une bouteille de blanc avec Jean Van Roy, brasserie Cantillon, débats et ébats sur les saveurs de la bière…
2010 : Le Chapître, estaminet de Namur, caché derrière la cathédrale, un bijou d’humanité…

Les dates ci-dessus ? Des virgules de plaisir que vous offre la bière au fil de la vie de chacun, c’est là l’âme de la mousse…à vous de les découvrir, les vivre…

Merci Mickey & Jef, bise à Marie….